lundi 1 mai 2017

Sermon de Pâques de l'abbé François au Trévoux

Note : Nous vous proposons la lecture de cette très bonne analyse de l'ambiguïté de la situation actuelle de la FSSPX vis-à-vis de Rome. Gageons que l'abbé François continue sur ce bon chemin .

Sermon de M. l’abbé Philippe François le dimanche de Pâques 16 avril 2017 au Trévoux.  Lu sur  MPI 

Nous vous proposons la transcription du sermon prononcé par M. l’abbé Philippe François en la fête de Pâques 2017, le 16 avril, au Monastère du Trévoux. M. l’abbé y exerce les fonctions d’aumônier des Petites Sœurs de Saint François.

Au nom du Père et du Fils et du Saint-Esprit. Ainsi soit-il.

Mes révérendes sœurs,
Mes bien chers frères,

Notre Seigneur est ressuscité. Il est ressuscité comme il l’a dit : « Resurrexit sicut dixit ». Et nous chanterons tout à l’heure au Credo : « Et resurrexit tertia die secundum scripturas – Il est ressuscité le troisième jour selon les Écritures ». Saint Jean nous dit dans sa première Épître : « Voici la victoire qui a vaincu le monde, notre foi » (Jean 5,4). Car si le Christ n’est pas ressuscité comme il l’avait prédit, notre foi est vaine ; mais il est ressuscité le troisième jour. Seul Dieu est le maître de la vie et de la mort. Il est ressuscité, donc il est Dieu. Et voilà la preuve de la divinité de notre sainte religion. C’est le mystère de ce jour de Pâques, c’est la joie de l’alléluia. Ce doit être la grâce de la fête de Pâques. Quelle grâce particulière apporte-t-elle à nos âmes, comme toute fête ? Eh bien ! c’est de renforcer notre foi en Notre Seigneur Jésus-Christ, renforcer notre foi dans le règne de Notre Seigneur Jésus-Christ, renforcer notre foi dans la royauté sociale de Notre Seigneur Jésus-Christ. Il est vrai Dieu et vrai Homme. Parce qu’il est vrai Homme, il a pu souffrir et mourir. Parce qu’il est vrai Dieu, il a repris sa vie offerte pour nous arracher à l’enfer éternel. Donc, Pâques fortifie notre foi en Notre Seigneur, vrai Roi. Et si notre foi en Notre Seigneur est fortifiée, par là-même est fortifiée aussi notre foi en son Épouse unique et très aimée, la Sainte Église catholique romaine.

Et cela est très nécessaire dans le temps d’épreuve que nous vivons.

Il y a quinze jours, comme vous l’avez appris, Rome donnait à certaines conditions la juridiction aux prêtres de la Fraternité Sacerdotale Saint-Pie X (FSSPX) pour faire les mariages. « Bonne nouvelle ! » me disait mon cordonnier, nous approchons de la sortie du tunnel. En réalité, cette juridiction, nous est déjà donnée par l’Église dans les principes du droit qui s’appliquent en temps de crise, dans l’état de nécessité où nous nous trouvons. Depuis bientôt cinquante ans, les mariages, qui sont faits dans les prieurés de la FSSPX et dans la Tradition, sont valides. Mais si on accepte la décision de Rome, on doit accepter le nouveau code de droit canonique et les tribunaux conciliaires qui appliquent ce nouveau code. Or ce nouveau code détruit le mariage. Il change la définition du mariage. Ce sacrement n’a plus d’abord pour première fin la procréation et l’éducation catholique des enfants, mais il met en première fin la bonne entente des époux et leur soutien mutuel. Et cette définition, voyez-vous, a conduit à déclarer nuls des dizaines de milliers de mariages depuis quarante ans, parce que, comme les époux ne s’entendaient plus, les juges ecclésiastiques conciliaires ont dit qu’il n’y avait pas eu de mariage. Et ces déclarations de nullité de mariages, qui avaient été conclus validement et qu’on a déclarés nuls, se sont encore accélérées par la procédure que le pape lui-même a mise en place il y a un an et demi et qui les facilitent davantage.

Ceci, c’était il y a quinze jours ; et puis il y a bientôt deux ans, c’étaient les pouvoirs de confesser qui étaient accordés aux prêtres de la Fraternité, comme s’ils ne les avaient pas encore eus. Or ces pouvoirs de confesser validement, l’Église les donne à vos prêtres dans la crise, parce que le droit canon prévoit dans les circonstances exceptionnelles que nous vivons, la juridiction de suppléance. Monseigneur Lefebvre nous rappelait souvent un des grands principes du code de droit canon de saint Pie X : « le salut des âmes, c’est la loi suprême de l’Église ».

Ces deux événements et d’autres nous montrent qu’un processus de régularisation canonique est en cours depuis Benoît XVI et avec le pape François vis-à-vis de la FSSPX, mais aussi de toute la famille de la Tradition.

Ce processus de régularisation canonique actuellement en cours peut se comparer au processus d’inflammation d’une bûche de bois vert. Lorsqu’on jette une bûche de bois vert sur la flamme, elle est incapable de prendre feu, car il y a un obstacle : c’est la sève. Alors la flamme commence à lécher la bûche pour la réchauffer et faire sortir la sève. Cette dernière une fois sortie, la bûche s’enflamme. De même dans notre cas, il y aurait un obstacle au statut canonique, c’est la méfiance réciproque entre le monde conciliaire et nous. Les gestes de « bienveillance » de la part du pape ont pour rôle de faire tomber cet obstacle. Ces gestes n’impliquent pas formellement de dépendance canonique envers les autorités romaines. L’obstacle de la méfiance une fois tombé, plus grand-chose n’empêchera l’octroi du statut définitif, qui est le statut de la prélature personnelle, en discussion depuis six ans entre les supérieurs de la FSSPX et le Saint-Siège. Il y aurait donc l’octroi de cette prélature personnelle, cette fois-ci avec dépendance effective du Saint-Siège. Notamment, l’évêque, supérieur de la prélature personnelle, sera nommé par le Pape et pourra donc aussi être révoqué par le Souverain Pontife.

Alors la question se pose : pouvons-nous entrer dans une telle structure canonique ?

Pour répondre à cette question, mes bien chers frères, il faut nous demander si la situation à Rome a changé à un point tel qu’on pourrait aujourd’hui envisager une solution canonique, chose que nous regardions comme impossible, il y a peu. Hélas ! force nous est de constater que rien d’essentiel n’a changé. Les actes du Pape sont de plus en plus graves. L’accumulation des scandales pendant les quatre ans de son pontificat nous laisse vraiment penser qu’avec lui le modernisme s’est fait chair. La réaction de quelques cardinaux conservateurs ou de prélats, si elle est courageuse et mérite d’être saluée, cette réaction ne remet cependant pas en cause les principes de la crise ; au contraire, on se raccroche toujours au Concile Vatican II, bien interprété soi-disant par le pape Benoît XVI. L’attitude du Saint-Siège vis-à-vis de ce qui est traditionnel n’est pas bienveillante, loin de là. L’expérience des Franciscains de l’Immaculée nous le rappelle ainsi que le traitement que subissent le cardinal Burke et les autres cardinaux qui se sont opposés, à l’occasion du synode, à la déclaration post-synodale sur la famille « Amoris laetitia ». Enfin, les exigences de Rome vis-à-vis de nous sont fondamentalement toujours les mêmes. Il faut toujours, même si on le demande avec moins d’insistance, accepter le concile avec sa liberté religieuse, son œcuménisme et sa collégialité.

Alors quels sont précisément les fondements de nos refus antérieurs d’un accord avec Rome ? Plus exactement, pouvons-nous accepter un accord avec une Rome néo-moderniste ? Une telle acceptation nous ferait entrer dans le pluralisme conciliaire. Elle ferait taire nos attaques contre les erreurs modernes et mettrait notre foi en un danger prochain. Par conséquent, la solution canonique ne peut être envisageable qu’avec une Rome convertie doctrinalement, qui aura prouvé sa conversion en œuvrant au règne de Notre Seigneur Jésus-Christ et en luttant contre les adversaires de ce règne.

En nous mettant entre les mains des autorités romaines, nous mettrions en péril notre bien particulier, non moins que le bien commun de l’Église.

Notre bien particulier d’abord : car nous sommes responsables de notre âme et donc de notre foi. Or sans la foi, on ne peut être sauvé (Hébreux 11,6) et nul ne peut se décharger de cette responsabilité sur les autres.

Ensuite, nous mettrions en péril le bien commun de l’Église. En effet, nous ne sommes pas maîtres de la foi en ce sens que nous ne pouvons la modifier à notre gré. La foi est le bien de l’Église, car c’est par la foi que celle-ci vit de la vie de son divin Époux. La foi est un bien commun non seulement parce qu’elle est commune à tous les catholiques, mais encore parce qu’il faut le concours de tous, bien que pas dans la même mesure pour tous, afin de la conserver. La confirmation fait de vous, mes bien chers frères, des soldats du Christ. Tout chrétien doit être prêt à s’exposer pour défendre la foi. Et le caractère sacerdotal, joint à la mission de l’Église, donne aux prêtres le devoir sacré de la prêcher et de la défendre publiquement en combattant l’erreur. Nous sommes dans l’Église militante qui est attaquée de toutes parts par l’erreur. Ne plus élever publiquement la voix contre celle-ci, c’est devenir son complice. Et c’est cela que nous vivons dans la Tradition, notamment depuis 2011. En 2011 se renouvela le scandale abominable d’Assise et les autorités de la Fraternité, malheureusement, nous le déplorons, se sont tues. En 2015 a eu lieu la canonisation impensable de Jean-Paul II et les autorités de la Fraternité se sont tues.

Donc il nous est impossible aujourd’hui de nous mettre par une solution canonique entre les mains des autorités néo-modernistes à cause de leur néo-modernisme. C’est là le véritable obstacle à notre reconnaissance par ces autorités.

Ce faisant, notez-le bien mes bien chers frères, loin de remettre en cause l’autorité du pape, nous sommes convaincus de lui rendre le premier des services, qui est celui de la vérité. Par nos prières, nous supplions le Cœur Immaculé de Marie d’obtenir au Souverain Pontife la grâce de la conversion doctrinale, afin qu’à nouveau, il « confirme ses frères dans la foi » (Luc 22,32). Car nous sommes catholiques, nous sommes donc romains, nous sommes catholiques romains attachés indéfectiblement au siège de Pierre, à l’enseignement infaillible de tous les successeurs de Pierre, jusqu’au concile Vatican II. Nous sommes de la Rome éternelle, qui est l’ennemie irréconciliable de la Rome néo-protestante et néo-moderniste. Il n’y a pas de paix possible avec l’Église conciliaire.

Et nous prions aussi chaque jour pour les supérieurs de la FSSPX pour qu’ils ne tombent pas dans le piège qui est tendu à notre chère Fraternité. Qu’ils retrouvent la prudence, l’intrépidité et la fermeté de Monseigneur Lefebvre dans son combat pour le Christ-Roi !

Donc nous ne pouvons pas – non possumus – entrer dans une structure canonique nous soumettant à une autorité moderniste.

Nous le disons parce que c’est notre devoir. Comment cela ?

C’est notre devoir d’abord vis-à-vis de Notre Seigneur et de sa Sainte Église. Nous n’avons pas le droit de nous exposer à faire la paix avec ceux qui les trahissent.

C’est notre devoir ensuite pour nous-mêmes, parce que nous avons notre âme à sauver et qu’on ne peut se sauver sans la foi intègre.

Enfin, c’est notre devoir à l’égard des fidèles qui ont recours à notre ministère. Nous n’avons pas le droit de les conduire tout doucement vers les pâturages empoisonnés de Vatican II.

Mes révérendes sœurs, mes bien chers frères, dans la tourmente et la confusion actuelle, nous devons demeurer fidèles aux principes catholiques authentiques et rester enracinés en eux. Et afin qu’ils soient la lumière qui nous éclaire et guide nos pas, nous devons en tirer les conséquences pratiques et les appliquer rigoureusement dans notre vie de tous les jours et dans nos attitudes quotidiennes. La cohérence et la non-contradiction sont la conséquence logique de l’adhésion pleine et entière à la Vérité, qui est Notre Seigneur Jésus-Christ. Comme le disait le cardinal Pie, la charité, qui est le lien de la perfection, doit être dictée et réglée par la vérité et c’est dans cet esprit de charité que nous devons agir.

Alors en ce dimanche de Pâques, l’heure présente est l’heure de la belle vertu d’espérance, car nous voyons, peut-être avec plus de lucidité, l’insuffisance des moyens humains. Mais Notre Seigneur sort aujourd’hui du tombeau, comme hier, et avec lui son Église !

Que la Très Sainte Vierge Marie, que Notre-Dame de la Sainte-Espérance, qui seule au matin de Pâques a su conserver l’espérance, que la Très Sainte Vierge Marie maintienne aussi en notre cœur la divine espérance, la Sainte Espérance, celle qui plaît à Dieu, celle qui ne sera pas déçue pour l’éternité !

Au nom du Père et du Fils et du Saint-Esprit. Ainsi soit-il.