jeudi 7 décembre 2017

Partir ou rester, parler ou se taire : c'est toute la question ..

Nous publions ci-dessous un texte de Mikaël  paru récemment sur Fidélité catholique francophone, répondant avec pertinence aux arguments tendant à justifier l'attitude des prêtres de la Fraternité Saint-Pie X qui ne "bougent" toujours pas  alors que le Titanic a presque touché le fond. 

Nous sommes à huit mois du chapitre de la FSSPX et une grande partie des prêtres défavorables au ralliement attend ce moment comme une très certaine délivrance de leur tiraillement de conscience qui dure depuis plus de 5 ans. Mais est-il réellement prudent d'attendre cette date pour se décider à agir selon sa conscience ?


Nous répondrons comme le ferait Saint Thomas en pesant les arguments favorables et défavorables.

1° Il semble que l'attente soit préférable car la précipitation est mauvaise conseillère et il faut toujours espérer en Dieu qui peut inverser des situations parfois inextricables. La FSSPX a connu bien d'autres épreuves et s'en est toujours bien sortie, il n'y a pas de raisons que la Providence fasse défaut dans un moment aussi important où Rome semble s'enfoncer encore plus dans un modernisme délirant.

2° Il semble aussi que cette attente soit préférable car si Mgr Fellay est élu de nouveau pour 12 ans, nous déciderons alors de quitter la FSSPX car plus aucun espoir de redressement n'existera. Mgr Fellay aura tout son temps pour faire sa prélature. Si un autre est élu, alors nous observerons la situation pour nous décider.

3° Il semble que l'attente soit prudente car on voit combien ceux qui sont partis trop tôt peinent à reconstruire quelque chose.

4° Il faut attendre car pour le moment les prêtres de France semblent en majorité défavorables au ralliement et d'ailleurs ils se soutiennent entre eux discrètement pour parler de projets éventuels en cas d'accords.

5° Il faut attendre car Mgr Fellay est de moins en moins suivi dans sa politique à l'égard de Rome. L'idée d'un accord, surtout avec le pape François, semble rebuter de plus en plus de personnes.

6° Il ne faut pas laisser les fidèles aux mains de Mgr Fellay. Donc attendons avec nos fidèles. Nous leur dirons en temps opportun de quitter la FSSPX si les choses s'aggravent.

7° S'il faut partir, ce serait avec de nombreux confrères car la vie sacerdotale est très dangereuse pour celui qui vit seul. Il faut donc attendre qu'un certain nombre de prêtres se décident à partir

Réponse générale :

"Ne saurait être réputé prudent celui qui défaille dans l'acte principal de la prudence, c'est-à-dire l'intimation. Celui qui ne se commande pas à lui-même d'agir, alors qu'il voit ce qu'il devrait faire, manque beaucoup plus de prudence que celui qui commet matériellement un acte répréhensible, sans vouloir commettre un péché." ( St Thomas d'Aquin 2a2ae qu 47 a8).

St Thomas nous enseigne donc que la véritable prudence consiste à passer à l'action.

Réponse :

La crise actuelle de la FSSPX est essentiellement une crise de la Foi même si beaucoup se voilent la face devant cette réalité car les apparences de fidélité semblent encore sauves.

Or l'existence même de la FSSPX était liée à la crise de la Foi que traverse l’Église officielle depuis le concile Vatican II. La Providence avait de ce fait suscité Mgr Lefebvre et cette œuvre sacerdotale pour protéger le Saint Sacrifice, le Sacerdoce et plus encore l'essentiel du dépôt de la Foi contre les réformes conciliaires qui tendent à miner et à subvertir progressivement le véritable esprit catholique chez les prêtres et les fidèles. Prudentiellement Mgr Lefebvre avait sacré quatre évêques en 1988 pour continuer la Tradition de l'Eglise et préserver ainsi le troupeau catholique des influences et de l'autorité moderniste.

Or l'actuel supérieur de la FSSPX ne veut objectivement plus voir dans la Rome actuelle un danger radical pour la Foi puisqu'il fait volontairement la confusion entre Eglise catholique et église officielle et qu'il est en train de rattacher pratiquement (canoniquement - juridiquement) la FSSPX à cette Rome moderniste. Donc la Foi est directement en péril pour ceux qui se trouvent sous l'autorité de Mgr Fellay même si les apparences de tradition pourront tenir encore quelques temps dans les chapelles de la Fraternité. Il est donc raisonnable que tout prêtre prudent se pose la question de quitter ou non la FSSPX pour ne pas glisser avec le supérieur dans cette lente apostasie.

Reste la question du moment et de l'opportunité du départ. Combien de temps peut-on attendre ?

Pour l'évêque comme pour le prêtre, il y a essentiellement la question de l'enseignement de la Foi qui est première dans son ministère : s'il n'est plus possible de parler librement et d'avertir en chaire les fidèles que le Supérieur (le nommer) est en train de trahir le combat de la Foi et qu'une telle prédication serait le signal certain d'un renvoi, la mission première de l'évêque et du prêtre ne pouvant plus être accomplie librement, ce serait le signe que Dieu demande à ceux-ci, évêques ou prêtres, de quitter la Fraternité, et que ce départ doit s'opérer sans délai. 

Réponse aux objections :

1° Des crises ont eu lieu, mais jamais celle d'un supérieur général qui trahit la mission essentielle de la FSSPX. Et si la Providence a plusieurs fois récupéré cette œuvre en difficulté, ce fut toujours par l'action courageuse de certains de ses membres conscients de la raison d'être de cette œuvre. Dieu ne se dispense pas de généreux combattants pour sauver une situation difficile. Et ceux qui sont partis  pour ce motif n'ont pas été imprudents ni précipités mais sages selon le but premier de la FSSPX.

2° Si le prêtre a pris conscience que Mgr Fellay trahit et élabore patiemment et savamment un accord avec Rome, il est sage pour le prêtre d'agir comme dans une guerre : on n'attend pas que l'ennemi ait organisé tout son plan de bataille pour commencer à préparer le sien. Etant impossible pour le prêtre dans le cadre de la FSSPX de préparer le combat sans être repéré et dénoncé, il ne lui reste plus qu'à œuvrer librement à l'extérieur.

3° Nous sommes d'accord avec l'objectant : la résistance a peine à s'organiser non par défaut de volonté de ceux qui s'y trouvent mais en raison du petit nombre : si une dizaine de prêtres s'étaient décidés à les rejoindre, la chose serait tout autre actuellement. L'attente des prêtres dans la FSSPX fait peser encore plus lourdement le fardeau du combat sur ceux qui sont partis et qui auraient un grand besoin d'aide.

4° L'attente d'une action globale et collective contre Mgr Fellay s'oppose à la responsabilité personnelle de l'évêque et du prêtre qui n'a pas toujours à attendre l'action courageuse d'un confrère pour agir à son tour selon sa conscience. Si le prêtre est aussi faible et dépendant d'un groupe, il est bien loin de ressembler au bon pasteur qui sait parfois prendre des décisions tout seul (comme Mgr Lefebvre pour les sacres).
Et il est bien peu probable qu'il y ait d'autres actions globales comme pour "La lettre des 37", "L’Adresse aux fidèles" ainsi que "La lettre des doyens" qui ont fait un certain bruit, mais ont été assez peu suivies d'effets. Dieu veut des âmes et non des groupes.

5° Mgr Fellay est peut-être moins bien suivi mais il a tout le pouvoir et tous les moyens de communication dans la FSSPX. Et même s'il y a une réaction après une étape de rapprochement avec Rome, les mois qui suivent (et les sanctions) ramènent le "calme" et les mauvaises idées finissent par contaminer les meilleurs. Et ceux qui comprennent encore sans bouger suivent en traînant les pieds.

6° Quitter la FSSPX est le meilleur moyen de ne pas perdre spirituellement les fidèles. Ce n'est pas nécessairement la proximité physique qui aide les fidèles mais la liberté que le prêtre garde pour dire la vérité et la persécution qu'il subit au nom de la vérité. Un prêtre qui reste dans la FSSPX dissuade même, par son exemple, les fidèles de réagir. "Si un bon prêtre comme celui-là ne rejoint pas la Résistance, c'est qu'il n'y a pas de risque pour notre foi", pensent ces fidèles. Ce sont les exemples qui tirent les âmes.

7° Le prêtre doit en outre rechercher à vivre en communauté selon les principes posés par Mgr Lefebvre lui-même. Dans le contexte français, il existe désormais suffisamment de petites entités accueillantes, susceptibles de permettre l'exercice d'une vie sacerdotale correcte, et certains religieux reçoivent volontiers des prêtres qui se trouvent renvoyés, ou qui ont décidé d'eux-mêmes de quitter les structures de la FSSPX. Leur ministère (apostolat et vie commune) et leur subsistance matérielle (toit, nourriture, indemnités, couverture sociale) sont donc globalement assurés, même si c'est encore un peu "rustique" : mais c'est le prix à payer pour conserver la liberté catholique et permettre la survie de l'oeuvre sacerdotale et missionnaire de leur vénéré Fondateur. Le rattachement à l'Eglise s'y trouve garanti par quatre évêques exerçant, en dépit des difficultés de l'heure, l'autorité morale et la cohésion spirituelle indispensables.