samedi 7 avril 2018

Comment (ou faut-il) obéir à une autorité libérale ?

Voici quelques réflexions  d'un intervenant sur le forum de la Résistance Francophone qui nous semblent intéressantes de soumettre à nos lecteurs tant il est important pour les catholiques de saisir combien toute collaboration pratique est impossible avec une autorité libérale. Il est de bon ton aujourd'hui de faire croire aux fidèles que Mgr Lefebvre aurait été favorable à une entente canonique avec les autorités actuelles de Rome. Rien de plus opposé à la pensée et aux actes de Mgr Lefebvre comme nous pouvons le lire :

Les accordistes veulent mettre la FSSPX sous l'autorité du pape François car, disent-ils, elle est l'autorité légitime et il n'est pas moral de résister de façon continue à une autorité légitime. Surtout si cette autorité semble poser des actes favorables à la Tradition. Si François, par exemple, nous propose une délégation pour les mariages dans la Tradition, il ne serait pas moral de la refuser et même, selon les professeurs d'Ecône, ce serait un signe de tendance schismatique. Par conséquent, Menzingen accepte généreusement cette délégation et déclare (aux prieurs réunis à Flavigny) que ceux-ci devront refuser de marier les fidèles qui ne veulent pas de cette juridiction/délégation.

Pour éviter d'effrayer les fidèles qui ne s'attendaient pas à se retrouver dans le bal des modernistes romains (surtout dans le cadre des mariages), les accordistes les rassureront : "Nous obéissons à ce qui est légitime et nous refusons ce qui ne l'est pas." La question se pose alors : Est-il moral de se mettre sous l'autorité d'un libéral au cas par cas ? Est-ce possible ? Est-il légitime de trier entre les bons et les mauvais ordres d'un libéral déclaré ?

Il est bon de rappeler que le libéralisme n'est pas une simple erreur, ou hérésie banale : c'est la pire des hérésies, la plus dangereuse que l'Eglise ait eu à affronter.  Voici ce que disait Mgr Lefebvre au séminaristes le 20 décembre 1984 au sujet des libéraux :


Citation :

"C’est ce qui fait cette espèce de double visage qu’ont les papes maintenant. On le disait de manière très explicite de Paul VI, mais on peut aussi bien le dire de Jean-Paul II. Double visage. Alors à certains moments, visage catholique : - Mais si, regardez, le pape est traditionnel, il fait ceci, il fait cela… Et puis après il y a l’autre visage, alors il y a l’œcuménisme, il y a la liberté religieuse, les Droits de l’Homme et tout ça…
Alors comment concilier tout cela ? Comment concilient-ils tout cela dans leur esprit, dans leur être ?… C’est pourquoi le Pape Pie IX a osé dire que les pires ennemis de l’Eglise étaient les catholiques libéraux. Il est très dur, le Pape Pie IX. Vous avez cela dans les citations, dans le petit livre sur "Le catholicisme libéral" de l’abbé Roussel. Vous avez de nombreuses citations du Pape Pie IX au sujet des catholiques, citations qui ne se retrouvent pas dans les actes de Pie IX officiels. Il les a prises dans des documents romains évidemment, et c’est tout à fait bien du Pape Pie IX, mais ce sont des documents qu’on ne trouve pas, qu’on trouve difficilement ailleurs. Il est très très dur pour les catholiques libéraux. Et on comprend – tout en ne disant pas qu’ils sont tous excommuniés, qu’ils sont tous hérétiques, non… Il aurait pu le dire, le Pape Pie IX, il n’a pas dit : Tous les catholiques libéraux sont des hérétiques ! Tous les catholiques libéraux sont des excommuniés ! non !… Mais ils sont les pires ennemis de l’Eglise, alors il devrait quand même les excommunier et dire qu’ils sont schismatiques… Non !… parce que, justement, ils sont toujours sur la frange, tantôt ils affirment leur foi catholique, et puis ils détruisent la foi catholique dans leurs actions. Ils font poste commune avec les ennemis de l’Eglise…

Il n’y a rien de pire que cela ! C’est le pire malheur que l’Eglise puisse avoir ! cette espèce de trahison continuelle, d’équilibre continuel… "

Mgr Lefebvre, à la suite des bons papes, perçoit très bien la malice effrayante des libéraux parce que ce ne sont pas des hérétiques classiques. Ils sont toujours sur la tranche, insaisissables.On comprend pourquoi Mgr Lefebvre a pris ses distances pratiques avec les autorités libérales de Rome même si celles-ci pouvaient parfois donner l'apparence d'un certain attachement à la tradition.


Ce bon sens pratique de l'archevêque à l'égard des libéraux n'est plus celui des théoriciens actuels de Menzingen et de ses séminaires puisqu'on ne craint plus les libéraux (par ressemblance ?) ni de se mettre sous l'autorité des pires ennemis de Dieu et de L’Église.

Peut-on alors se mettre sous leur autorité au cas par cas ? Là encore Mgr Lefebvre a, en pratique, éloigné progressivement le petit troupeau de bons catholiques loin des miasmes modernistes de Rome.  Il ne leur déniait pas une certaine autorité mais il voyait bien que ces modernistes romains utilisaient uniquement leur autorité pour faire le mal et absorber le petit reste de catholiques dans la masse moderniste. Il le savait bien mais il y avait des tendances libérales autour de lui (abbé Schmidbberger par exemple) et il voulut manifester cette malice libérale aux moins convaincus jusqu'en 1988.

Voici ce qu'il disait aux séminaristes en juin 1979
Citation : 
"Or nous ne pouvons pas nous séparer de Rome, de la vraie Rome, et nous devons essayer, il me semble, essayer de convaincre ces libéraux de leur libéralisme et essayer de les empêcher justement d’appliquer leur libéralisme et les conséquences de leur libéralisme et les réformes libérales qu’ils ont faites. Nous devons tout faire pour limiter les dégâts, même en allant leur parler, en essayant par tous les moyens de limiter les dégâts, essayer de les convertir si c’est possible."


Cette distance pratique d'avec le monde libéral romain s'est faite progressivement et logiquement tant le libéralisme est radicalement opposé à l'antilibéralisme. La Rome moderniste s'est d'abord établie sur les principes conciliaires définis lors du concile et plus les libéraux légiféraient après le concile, plus Mgr Lefebvre prenait ses distances avec ces gens-là. Et s'il allait à Rome, ce n'était sûrement pas pour quémander un privilège dans un cadre libéral mais pour manifester la vérité catholique à des autorités aveuglées par leur réconciliation avec le monde apostat.



 Voici ce que disait déjà Mgr Lefebvre en 1975 aux séminaristes au sujet de l'autorité qui doit normalement donner la vie et non la mort.  


Citation : 

"L’autorité de qui que ce soit doit toujours concourir à la vie et jamais à la mort. Parce que concourir à la mort, concourir à la diminution, à la suppression de la société, à un manque d’épanouissement de la vie dans la société, tout cela est une œuvre de mort et donc va à l’encontre de l’autorité que l’on a. L’autorité est faite pour la vie. Et c’est pourquoi il est bien triste de constater que, depuis quelques années, l’autorité se sert du pouvoir qu’elle a, non plus pour développer la vie dans l’Eglise, mais pour y répandre la mort. On n’a pas le droit d’obéir à des lois de mort justement, comme celle de l’avortement, par exemple. L’Etat n’a pas le droit de faire des lois de ce genre qui sont des lois de mort. Alors là c’est clair. Des lois d’assassinat… c’est contre son principe même, contre sa propre autorité. Eh bien, de même, on peut dire que, d’une certaine manière, que les lois qui sont faites, que l’on veut absolument mettre en pratique dans l’Eglise depuis quelques années, depuis le concile surtout, sont des lois de mort, on peut dire un avortement spirituel."


Après une telle analyse du mécanisme de l'autorité libérale par Mgr Lefebvre, comment comprendre que ceux qui prétendent être ses fils spirituels puissent aujourd'hui forcer le petit troupeau de catholiques à accepter de se trouver sous l'autorité (même ponctuelle) de ceux qui donnent la mort aux âmes et à l'Église ? 
Mystère ... d'iniquité .


Mgr Lefebvre insiste sur la nécessité (voire l'obligation) de résister à une autorité déviante. La raison en est justement que l'autorité déviante détruit sa propre autorité. Un pape libéral détruit la papauté. Ceux qui résistent à sa déviance sont donc les garants de cette autorité. Si Mgr Fellay et ses sbires ne veulent plus résister habituellement à une autorité pontificale qui dévie de façon constante, ils rentrent dans le courant et participent à la destruction de l'autorité du pape avec les autres libéraux. Mgr Lefebvre fait donc de la résistance à une autorité déviante un principe de survie pour toute société :

Citation :


"Et puis ensuite ça a été surtout sur la question de l’obéissance. Alors là, comme je l’ai dit sur la question de l’obéissance, j’ai pris les principes beaucoup plus élevés. Je n’ai pas discuté chaque point en particulier. J’ai dit : - Ecoutez, on se trouve dans une situation telle que les lois qui sont faites pour le salut des âmes et qui sont faites pour garder la foi, ne sont plus employées dans ce but-là. Par conséquent elles deviennent caduques par le fait même. Une autorité qui agit dans un sens contraire à ce pourquoi elle a reçu l’autorité, n’a pas le droit à être obéie, perd par le fait même son droit à être obéie. C’est évident. Qu’est-ce que vous voulez ? Si ici au séminaire, on vous faisait des lois qui sont évidemment contraires au bien de la foi et au bien du séminaire, nous perdrions par le fait même le droit à l’obéissance. C’est clair, c’est évident. C’est un principe général, qui n’est pas spécial à l’Eglise, qui est applicable pour toute autorité évidemment. Quand le gouvernement commande aux docteurs de faire des avortements, il n’a pas le droit à l’obéissance. C’est évident. "



Que nous propose alors Mgr Lefebvre quand une autorité abuse de son autorité pour nous éloigner de la Tradition ? Mgr Lefebvre donne la réponse aux séminaristes. Il faut croire qu'elle a été oubliée par beaucoup aujourd'hui :


Citation : 

(22/02/1979) "Mais je dirais dans la mesure où ceux qui ont l’autorité dans l’Eglise continuent l’Eglise d’hier, nous sommes pleinement d’accord, nous continuons avec eux – mais nous ne la reconnaissons pas dans cette attitude et dans ces convictions libérales, protestantes et modernistes. Nous ne pouvons donc pas accepter tout ce qui dans la réforme récente est inspiré de ces principes, comme les nouveaux catéchismes, la nouvelle catéchèse, les recyclages qui remplacent les retraites, la réforme liturgique inspirée d’un faux œcuménisme, la réforme du droit public de l’Eglise inspirée par une fausse liberté religieuse. La trahison de l’Eglise par ses clercs, ses catholiques libéraux, porte des fruits amers dont le monde entier est témoin, dont les uns se réjouissent et les autres souffrent cruellement.

Voilà, en pratique, que ferons-nous ?

Nous gardons comme règle de notre foi le symbole de Nicée, la Vulgate, tous les Conciles dogmatiques, la Somme théologique de Saint Thomas d’Aquin et tous ses principes théologiques et tous les ouvrages qui rendent fidèlement sa doctrine, le catéchisme du Concile de Trente et les catéchismes qui en sont inspirés, celui de Saint Pie X et du Cardinal Gaspari par exemple, et comme règle de notre liturgie, le dernier missel romain édité par Jean XXIII en 1962, le dernier pontifical édité avant le Concile Vatican II, le dernier rituel édité avant le Concile Vatican II et le bréviaire romain édité aussi juste avant le Concile Vatican II avec les psaumes de l’ancienne version."



Mgr Lefebvre ne parle pas d'accord. Il ne parle que de fidélité à la Tradition. Mgr Fellay veut un accord mais il perdra la Fidélité.